Un shôjo saupoudré d’une touche de sarcasme et surtout de beaucoup d’humour. Le personnage principal broie les clichés les uns après les autres et, terriblement attachant, vous arrachera un sourire du début à la fin.
Lectures de Java, acte I :
J’avais envie de bonne humeur et de détente, sans pour autant lire quelque chose d’idiot. Aromantic (Love) Story a su répondre à la perfection à ce besoin ! Je l’avais repéré depuis un moment dans les sorties à venir des éditions Akata et je l’ai acheté sans scrupules le jour de sa sortie. Laissez-moi vous dire que je n’ai pas été déçue ! J’ai manqué à plusieurs reprises d’éclater de rire et j’ai vigoureusement approuvé le ton très juste du manga vis-à-vis des minorités sexuelles et des questions d’identité.
Le personnage de Futaba aborde le sujet des pressions sociales et de l’amour avec un humour décapant ; à l’origine, je souhaitais lire ce shôjo dans la perspective de me régaler d’une comédie originale, et c’est chose faite. D’autant plus que l’idée d’un personnage féminin fort et hermétique au sentiment amoureux m’a séduite d’emblée ; Futaba, en plus d’être désopilante, est maladroite, attachante et un brin trop énergique. J’ai adoré la suivre jusqu’au terme de ce premier tome et j’attends la suite avec impatience.
Fiche d'identité
Titre : Aromantic (love) story
Auteur : Haruka Ono
Éditeur : Akata
Date de parution : 3 mai 2018
Nombre de pages : 199
Genre : Shôjo
Prix : 6,99 €
Résumé : Futaba Kyriû, 32 ans, est autrice de mangas. Ce qu'elle adore par dessus tout, c'est dessiner des shônen bien sociaux ! Le problème, c'est que ce genre ne marche plus du tout... Du coup, son éditeur lui propose (impose ?) de s'essayer à un autre genre de shônen : le harem manga ! Gros hic : elle déteste ça, et surtout... elle ne s'intéresse pas du tout à l'amour. Bien malgré elle, et agacée par l'injonction sociale qui exige des femmes qu'elles tombent forcément amoureuses, elle entame l'éciture d'un shônen manga romantique. Contre toute attente, le succès est immédiat, et la voilà condamnée à continuer de dessiner une série à laquelle elle-même ne comprend rien... Pour ne rien arranger, elle se retrouve très vite prise entre deux feux : d'un coté, la touchante vénération d'un assistant de douze ans son cadet, de l'autre, la séduction flamboyante d'un scénariste d'anime quadragénaire. Une situation cauchemardesque pour cette célibataire endurcie...
Un trio original
Ainsi, comme le laisse présager le résumé, Futaba est une mangaka engagée qui se retrouve contrainte par son éditeur d’écrire un harem manga, genre qu’elle méprise. Et surprise, sa série, At love, devient un classique que tous les adeptes de manga s’arrachent ! Bon an mal an, elle fait donc front avec sérieux, se documentant à grand renfort de shôjo populaires afin de donner le meilleur d’elle-même à son public si inattendu.
En tout premier lieu, je tiens à insister sur le caractère humoristique du manga : c'est l'un de ses points forts. Il utilise l'humour avec un dosage très soigneux et une justesse surprenante. On constate à la fois les inégalités que pointe Futaba du doigt et le caractère caricatural de l'histoire qui parvient de cette façon à un équilibre parfait entre le divertissement et les propos engagés.
Cela permet au lecteur de se plonger dans l'histoire sans aucune difficulté. On suit donc le quotidien de mangaka de Futaba, de son studio au bureau des responsables de l’anime adapté de son manga. Cet aspect est par ailleurs très intéressant et la mise en abîme de la part de l'autrice est un clin d'œil très sympathique. C'est dans ce milieu qu'elle va se retrouver doublement confronté à sa particularité : a priori aromantique, elle n'a jamais éprouvé aucun sentiment amoureux et ne ressent pas le besoin spécifique de former un couple avec qui que ce soit, ce qui lui pose forcément problème dans l'écriture de son harem manga mais également dans sa vie professionnelle et personnelle.
Hiro Asakura est son jeune assistant de 20 ans, qui apparaît relativement glacial et solitaire. Futaba en vient même à le surnommer "le killer " en son for intérieur ; pourtant, il se révèle, à la grande surprise de la mangaka, amoureux d'elle. Admiratif de son travail et surtout complètement fan de son manga, il déstabilise totalement Futaba qui ne sait plus où se mettre et évite à tout prix de se retrouver seule avec lui.
De l'autre côté, Kyôsuke Kitamura, scénariste en charge de l'anime de son manga, est connu pour être un grand stratège et Futaba le soupçonne de vouloir l'évincer des décisions de l'adaptation d'At love. Aussi, lorsqu'il lui annonce être attiré par elle avec le plus grand naturel du monde, elle pense alors qu'une malédiction l'a frappée mais également qu'il ne s'agit que d'une stratégie pour la faire renoncer à leurs réunions. Pourtant, il devient difficile de discerner ses véritables intentions.
Futaba se retrouver alors coincé entre ces deux hurluberlus, entraînant force situations hilarantes et réactions cocasses.
Des enjeux plus importants que de simples sentiments
Cela étant, il ne s'agit pas seulement d'un shôjo comique et léger ; d'une part, l'intrigue s'intéresse réellement au devenir d'At love, qui tient tout de même à cœur à Futaba, et à son adaptation en anime qui paraît compromise par le scénariste aux intentions troubles. Cet aspect de la vie de mangaka est un véritable plus dans cette lecture atypique.
D'autre part, nous avons l'occasion de suivre l'évolution des réflexions de Futaba sur les injonctions sociétales qui nous poussent à faire de l'amour le Saint-Graal et l'objectif ultime d'une vie. Elle en profite également pour remettre en question l'aspect hétéronormé de cette injonction, sans pour autant altérer le rythme et l'humour adoptés par Haruka Ono.
En somme, c'est une lecture de détente qui s'attache tout de même à faire réfléchir son lecteur sur les sujets qu'il aborde.
En résumé
Moi qui ne suis habituellement pas attirée par les shôjo, j'ai pris conscience de la qualité de ce manga avec un doux étonnement. Attirée d'abord par le résumé, je n'avais pas spécialement fait attention à son genre et j'ai fait confiance aux éditions Akata que j'apprécie tout particulièrement pour leur ligne éditoriale. Je n'ai pas été déçue du voyage ! J'ai remis en question mes a priori sur les shôjo et admets volontiers qu'il ne s'agit là pas uniquement d'un sous-genre un peu bébête préfabriqué pour les jeunes filles en fleur. Haruka Ono nous livre une comédie très réussie, touchante et drôle que je conseille à tous sans discernement d'âge (et surtout pas de sexe).
Il mérite amplement son 4,75/5 et j'achèterai le tome 2 les yeux fermés.
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